Les fusillés pour l'exemple

La mémoire des "fusillés pour l'exemple"

Soldat fusillé pour l'exemple : ce terme désigne, dans le langage courant, un militaire exécuté après décision d’une juridiction militaire intervenant non seulement dans un cadre légal pour un délit précis mais aussi dans un souci d’exemplarité visant à maintenir les troupes en parfait état d’obéissance.
Durant la Grande Guerre, il y a eu au moins 600 fusillés pour l'exemple. Ce sont des militaires condamnés à mort par la justice militaire et exécutés. Les causes de ces condamnations sont de natures diverses : soldats accusés de désertion, de mutinerie (rébellion collective), de refus d'obéissance, d'espionnage, de crime de droit commun (assassinat...), de blessures volontaires pour être renvoyés à l'arrière (blessure à une main)... Ces chiffres ne tiennent pas compte des exécutions sommaires réalisées par certains officiers sans jugement et directement dans la zone de combat. 600 fusillés... Ce chiffre peut sembler bien peu comparé au chiffre terrible de 1, 4 millions de morts français de la guerre. Cependant, ces exécutions permettent de réaliser à quel point la discipline est stricte. La guerre totale est violente, industrielle et inhumaine. Pour le commandement, il faut que les soldats tiennent et se battent. Un soldat qui désobéit ou est fortement suspecté d'avoir désobéi doit être sévèrement puni, sinon tous les autres soldats risquent de désobéir à leur tour. Ces exécutions servent d'exemple. Les autres soldats sont obligés d'y assister.

Les "fusillés pour l'exemple" peuvent-ils être considérés comme des héros ?

Les fusillés pour l'exemple sont des soldats qui ont refusé de participer aux horreurs de la guerre. Ils ont longtemps été considérés comme coupables de trahison envers la patrie ou encore de lâcheté. Cela justifiait à l'époque le fait de ne pas réhabiliter ces soldats.
Mais aujourd'hui, alors que la guerre est terminée depuis bientôt 100 ans, les mentalités ont beaucoup évoluées. Ces refus de combattre nous apparaissent comme un acte de rébellion courageux que la plupart des gens sont prêt à respecter.
Cela nous conduit a nous demander en quoi un fusillé pour l'exemple peut-il etre considéré comme un héros.

I) Contexte historique

La Première Guerre mondiale était censée être courte, environ 6 mois. Les moments d’enthousiasme existent, notamment à l’occasion du rassemblement des mobilisés dans les gares, mais demeurent une exception. Le sentiment qui domine est la détermination à défendre la patrie et la république, contre un ennemi perçu comme redoutable, c'est d'ailleurs cette idée de défendre la patrie contre un ennemi redoutable qui contribuera a faire passer ces soldats fusillés pour des lâches.
Cette guerre de 1914 1918 est une guerre totale et une guerre d'usure, marquée par les progrès de l'industrie de l'armement, elle a vu mourir plusieurs millions de soldats dans l'enfer des tranchées, dont plus d'un million de poilus français lors de batailles telles que celle de la Marne de la Somme de Verdun ou du Chemin des Dames mais aussi de civils, notamment lors du Génocide arménien.
Opposant presque tous les États d'Europe, elle est l'aboutissement du nationalisme et du militarisme sur ce continent. S'achevant le 11 novembre 1918 par l'armistice à Rethondes dans le wagon du maréchal Foch, entre les deux principaux protagonistes, la France et l'Allemagne, ce conflit a profondément bouleversé l'Europe, mettant fin aux grands empires et faisant triompher le principe de l’État-nation, laissant le champ libre aux grandes idéologies totalitaires de l'entre-deux-guerres.


"Haut les coeurs ! C'est la guerre !" Au début de la guerre, en France comme en Allemagne, la guerre crée un enthousiasme géneral qui se transformera en désespoir... 
Ici sur ce journal français, les allemands apparaissent comme un ennemi aggresif et barbare, il apparrait donc inpensable de refuser de combattre face à ces "envahisseurs".

Source image : http://www.ac-toulouse.fr/cid76121/dossier-aout-1914-basculement-dans-guerre.html

II) Pour la réhabilitation, tous les cas sont différents ainsi il est difficile de les étudier

Peu avant les commémorations du 11 novembre, alors que les recherches d'historiens font augmenter les chiffres des fusillés pour l'exemple le 7 novembre 2013 François Hollande a demandé un recomptage de fusillés et, « au ministre de la défense qu’une place soit accordée aux fusillés aux Invalides », et que « les dossiers des conseils de guerre soient numérisés et disponibles ».
La question des soldats français condamnés à mort et exécutés pendant la première guerre mondiale continue de faire l’objet de débats publics. La proposition de loi sur la réhabilitation des fusillés pour l’exemple de la guerre de 1914-1918 défendue par les sénateurs communistes avait été rejetée lors d’un vote, le 19 juin.

A deux semaines des commémorations du 11-Novembre, point d’orgue de cette première année du centenaire de la Grande Guerre en France, le ministère de la défense a révélé, lundi 27 octobre, que 953 soldats français avaient été fusillés entre 1914 et 1918, dont 639 pour désobéissance militaire, 140 pour des faits de droit commun, 127 pour espionnage et 47 pour motifs inconnus.


Cette photo nous présente un peloton d'exécution ou un soldat va être éxécuté pour l'exemple. L'essentiel des exécutions va avoir lieu au début de la guerre.

III) Il y a 4 possibilités concernant la mémoire des « Les fusillés pour l'exemple »

- Ne rien faire. De nombreuses réponses ont déjà été apportées et des réhabilitations ont été prononcées ; une réouverture de la question risquerait de mener à de nouveaux contre-sens. Il semble cependant difficile de laisser ce dossier en l’état. La République doit pouvoir répondre à toute demande des familles.
-Réhabiliter tous les fusillés de façon générale, comme le demandent la Libre Pensée et l’ARAC, en attribuant à tous la mention « morts pour la France » et en inscrivant leurs noms sur les monuments aux morts. Une telle solution poserait une grande difficulté de définition du périmètre de la réhabilitation. En outre, certains fusillés étaient bel et bien coupables, alors que réhabiliter revient à proclamer l'innocence du condamné. Plus généralement, la demande de réhabilitation globale est l’affirmation d’une position idéologique – antimilitariste ou radicalement pacifiste - sur laquelle les historiens n’ont pas à se prononcer. Au-delà, une telle réhabilitation générale pose une question majeure : la République admet-elle que la défense nationale n'ait pas été et puisse ne plus être une obligation pour les citoyens ?
-Réhabiliter au cas par cas, dans le cadre d’un nouvel examen de tous les dossiers, comme le défend la Ligue des droits de l’Homme. Cette solution nécessiterait un long travail d’investigation et poserait d’importants problèmes juridiques sur les règles de droit à appliquer : la justice actuelle est différente de la justice de 1914. Les historiens se montrent donc très réservés sur les mesures proprement juridiques. En revanche, l’inscription, à la demande des familles, des noms des fusillés sur les monuments aux morts pourrait être envisagée.
-Proposer une déclaration solennelle éventuellement renforcée par un projet pédagogique. Le chef de l’État ou la représentation nationale pourraient rappeler que beaucoup de fusillés l’ont été dans des conditions précipitées, parfois arbitraires, et sans que ne soient prises en compte les conditions extrêmes et la violence qu’ils enduraient. En outre, la mise en ligne des dossiers des conseils de guerre montrerait que la République n'a rien à cacher. Enfin, un monument, un lieu de mémoire ou une salle d’exposition permanente permettraient de répondre à la demande de reconnaissance des familles et d’informer le public.
Source : http://centenaire.org/fr/espace-scientifique/societe/le-rapport-quelle-memoire-pour-les-fusilles-de-1914-1918

Comme le déclare Antoine Prost, président du conseil scientifique de la Mission du centenaire de la première guerre mondiale pour le journal le monde : « Il est très difficile de faire le tri entre les fusillés »

Son interview :

Pensez-vous qu'il était nécessaire de faire figurer les fusillés pour espionnage aux côtés des fusillés pour désobéissance militaire ?
Les conseils de guerre ont fait fusiller pour espionnage. L'espionnage était un motif de condamnation à la peine de mort. Historiquement, les espions font partie des fusillés. La Ligue des droits de l’homme s’est battue avec succès d’ailleurs pour la réhabilitation de deux prétendus espions qui ont été mis à mort au moment de la grande retraite, en août 1914. L’un d’eux a été accusé de faire des signaux aux Allemands. L’autre ne parlait pas très bien français. La rumeur disait qu’il avait des pigeons voyageurs, qui auraient donné des informations à l'ennemi. Il n’était pas du tout prouvé que ces deux hommes étaient des espions.
Comprenez-vous le général Bach lorsqu’il affirme qu'il aurait été préférable que les fusillés pour espionnage ne soient pas mélangés avec les fusillés pour désobéissance militaire ?
Oui, il a raison, car ce terme regroupe bien des situations différentes. Mais même parmi les déserteurs, il faudrait distinguer — on ne le peut pas toujours — entre celui qui a flanché une fois parce qu’il se faisait du souci pour sa famille et celui qui a été condamné trois fois pour désertion et a été fusillé la quatrième. La plupart étaient des soldats comme les autres. Il est très difficile de faire le tri entre les bons et les mauvais à l'heure actuelle. L’opération n’aurait aucun sens : on ne peut se mettre dans la peau des juges de 1914. A cette époque, la peine de mort était légitime, on guillotinait les assassins. A l’armée, on les fusillait.
Peut-on dire qu'accorder aux fusillés un espace au Musée de l'armée est une forme de réhabilitation civique ?
C’est une réintégration dans la mémoire nationale. C’est aussi, d’une certaine façon, la présence des soldats dans le Musée de l’armée. Le Musée de l’armée est le musée des armées, ce n’est pas celui des soldats. Tel qu’a été conçu ce musée, il n'était pas évident d’intégrer les allés dans ses salles permanentes. Il est difficile de faire comprendre au public ce qu'a été le phénomène de désertion et de refus de combattre si on ne lui explique pas les conditions extrêmes dans lesquelles vivaient les soldats. Du coup, il n’y a pas une salle pour les fusillés, mais plusieurs espaces. La présence des fusillés est au début des salles consacrées à la première guerre mondiale. Il y a aussi un espace où la mémoire des fusillés est mise en valeur comme telle. Il a fallu tenir compte des espaces disponibles, on ne pouvait pas tout refaire.
L'idée d'accorder une place aux fusillés aux Invalides figurait-elle dans le rapport sur les fusillés que vous avez présenté au ministre délégué aux anciens combattants le 1er octobre 2013 ?
Non. Nous avions recommandé qu'une place leur soit accordée dans un lieu symbolique et pédagogique. Le président de la République a choisi le Musée de l’armée. C’est un symbole fort, et il a une fonction pédagogique: il est très visité par les scolaires. Symboliquement, il n’était pas évident d’obtenir de l’armée qu’elle intègre les fusillés dans sa mémoire.
Ce projet a-t-il provoqué un malaise dans l'armée ?
Peut-être pas dans l’armée, mais dans les associations militaires, dans les associations d’anciens militaires. Il n’est pas sûr que la Saint-Cyrienne, une association d’officiers, ait apprécié la démarche. Mais personne ne s’est manifesté.
M. Bach , général et historien a fondé, en avril, Prisme 1914-1918, un collectif de chercheurs indépendants sur les fusillés. A ses yeux, « il aurait été préférable de ne pas parler des espions et de ne pas les mélanger avec les fusillés pour l’exemple qui n’ont pas été condamnés par les mêmes conseils de guerre. Par ailleurs, je ne vois pas l’intérêt de rendre public les noms de fusillés. Certains dossiers ne sont vraiment pas glorieux ».
La question des fusillés pour l'exemple a beaucoup inspiré la littérature. Par exemple, Jacques Tardi est un auteur de bandes dessinées qui s'est beaucoup intéressé a la question de la guerre.
Dans la bande dessinée  C'était la guerre des tranchées . Tardi traite de cette question des pages 50 à 52 .


Sur cette vignette issue de cette BD, on aperçoit un soldat attaché qui va sûrement être fusillé.

source: http://librepensee94.free.fr/Craonne-17-mai-2008.html   

 Les habitants de la ville de Suippes ont choisi de commémorer les soldats fusillés pour l'exemple en érigeant un monument aux morts à coté de l'hotel de ville exclusivement à leur mémoire en 2007.




Source : http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/lieux/1GM_CA/monuments/suippes_caporaux_souain.htm   

Voici un tableau présentant une exécution sur le front:


Un fusillé pour l'exemple le 7 juillet 1915

Mathurin MÉHEUT, L'exécution capitale, nord d'Arras, 5 juillet 1915, 26 cm de hauteur, 62 cm de longueur. Musée Mathurin MÉHEUT de Lamballe. Aquarelle et encre réalisée sans doute un mois après l'exécution ayant eu lieu en fait le 7 juillet 1915.
Ce tableau nous présente une armée de soldats entière. La fumée que l'on aperçoit a l'arrière plan nous laisse penser que nous sommes non-loin du front. Les soldats ont l'air désordonnés et tristes car ils viennet d'assister a l'éxécution d'un de leur camarade dont le cadavre jonche encore le sol. Nous distinguons aussi les soldats qui viennet d'abattre l'homme. Le sentiment dominant est la mort et l'atmosphère est pesante. Il n'y a pratiquement que des couleurs froides qui reflètent les horreurs des combats.
Le soldat qui a été fusillé est sûrement accusé de trahison ou de lâcheté. Le tableau rejoint donc bien notre thématique car s'il est fusillé devant tout le monde, c'est pour dissuader les autres soldats de commettre la même erreur, il a été fusillé pour l'exemple. 

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