Les monuments aux morts et la mémoire de la Première Guerre mondiale

Que reste-t-il aujourd’hui des monuments aux morts ? Quel est leur message ? Leur écho est-il encore entendu de nos jours ?

 
     La Grande Guerre (1914-1918), un événement si lointain et pourtant encore si présent de nos jours. Nous nous intéresserons aux traces qui persistent encore aujourd'hui à travers les monuments aux morts et leur signification. Dans la Grèce antique, un cénotaphe ( kenos: "vide" et taphos : "tombe" ) était un monument érigé à la mémoire d'une personne qui ne contenait pas de corps. Les monuments aux morts de la Guerre 1914-1918 sont de ce fait des "néo-cénotaphes". Ils opèrent un "décuplement" de la mémoire du défunt. Les formes les plus répandues des monuments aux morts de la Grande Guerre sont l'obélisque, la colonne, la stèle ou le mur, la pyramide et le groupe sculpté sur un piédestal. 

Norville (76)
Navarin (51)
Ariège (09)
     



     




     De nos jours, les 11627 monuments aux morts font partie du quotidien, on peut les voir sur toutes les places importantes, près de mairies, dans toutes les communes et tous les villages, ils font ainsi partie du paysage. Les questions suivantes se posent : ont-ils toujours la même signification, la même importance qu'au lendemain de la Grande Guerre ? Ou bien sont ils simplement devenu un détail, un monument banal et anodin du paysage de tous les jours ?


      I- Le Monument aux Morts et sa signification au lendemain de la Première Guerre mondiale

          a) Historique 

     Lors de l'Armistice de la Première Guerre mondiale, les pertes d'êtres chers étaient en grand nombre. Des pères, des fils, des frères, des familles entières sont mortes durant les batailles. Les associations d'anciens combattants réclament des lieux de recueillement : des monuments aux morts. La loi relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre sera votée le 25 octobre 1919. La présence de ces monuments dans le paysage architectural français est principalement le fait d'anciens poilus décidés à agir collectivement pour honorer, durablement et sur tout le territoire national, la mémoire de leurs camarades disparus. 
     Les cérémonies du 11 novembre 1920 font sortir dans les rues de Paris des centaines de milliers de gens en larmes, persuadés qu’ils voient passer celui-là même qu’ils ont perdu.

          b) Signification
     Des monuments aux morts furent donc érigés à titre d'hommage public dans la quasi-totalité des communes françaises à partir des années Vingt pour permettre aux survivants de se recueillir. Pour la première fois, on "nomme" les victimes : on leur accorde ainsi une identité propre de soldat et d’homme, c’est-à-dire qu’on affirme à la fois la personnalisation de chaque sacrifice et la solidarité de tous les citoyens-soldats. Ces monuments sont aussi le témoignage matériel de la reconnaissance de la nation tout entière à l′égard de ceux qui sont morts pour la défendre, et qui, à ce titre, ne doivent pas sombrer dans l′oubli.
    Ainsi, si les monuments exaltent le courage des survivants et les soudent face à l’épreuve, ils sont avant tout lieux de regrets, de deuils, de ferveurs religieuses et patriotiques.      
     Le culte du soldat inconnu, représente la brutalité de la guerre et l’invention commémorative par excellence de la Grande Guerre. L’anonymat garantit l’héroïsme et le deuil de tous. 

11 novembre 1920, premier hommage au soldat inconnu
          c) L’exemple du monument aux morts de Nice
        
Monument de Rauba-Capeù (Nice)
     A Nice, comme partout ailleurs, des monuments aux morts ont été érigés. Le plus important est celui Rauba-Capeù construit en 1923. Le choix du site est symbolique car, en plus de sa beauté naturelle, la colline du château est le berceau de Nice. Les élus voulaient une présence de l’édifice au cœur de la cité, mais assez éloignée des grandes voies de circulation, afin de respecter le silence et le recueillement. Il a été érigé en l’honneur des 4 000 Niçois tombés pendant la première guerre mondiale. 

     Haut de 32 mètres, le Monument aux Morts se fond harmonieusement dans la colline du château. Un vaste parvis permet d’en avoir une vue d’ensemble. Aux pieds de l’édifice, cinq marches symbolisent les années de guerre (1914-1918). Des deux côtés du parvis, des stèles sont ornées de bas-reliefs représentant l’infanterie, l’artillerie, la cavalerie, le génie, la marine et l’aviation. L’urne repose sur des colonnes, dont l’ouverture est encadrée par trois arcs en ressaut monumentaux. Sur le socle de l’urne, à droite et à gauche de l’aigle de Nice, deux hauts-reliefs symbolisent : la Guerre et la Paix : la Liberté, la Force, le Feu Sacré et la Victoire pour le premier, le Travail, l’amour du Foyer et la Fécondité pour le second. Enfin, sont gravés les noms des Niçois tombés pendant la guerre 1914-1918, auxquels sont ajoutés ceux qui sont morts pendant la deuxième guerre mondiale, en Indochine et en Algérie. Par sa situation, le Monument aux Morts de Nice est sans doute l’un des plus originaux de France. Par sa dimension, il exprime l’idée d’éternité, et surtout il perpétue la mémoire des Niçois morts pour la France.


     II- Les Monuments aux Morts, des objets banals du quotidien ?

          a) Le constat

Caricature de Plantu, 1999
     Les Monuments aux Morts, qui étaient des vecteurs de liens sociaux très forts au lendemain de la Première Guerre mondiale laissent de nos jours plus indifférentBeaucoup de gens passent à côté et ne leur portent pas une grande attention car ils font partie du quotidien, éléments architecturaux banals et anodins. Le 11 novembre de chaque année, des commémorations ont lieu dans toute la France. Dans chaque commune, les élus de la République, les anciens combattants et tout citoyen voulant rendre hommage aux soldats de la Première Guerre mondiale, mais aussi de la Deuxième Guerre mondiale, et des guerres d'Algérie et d'Indochine, se rendent près des monuments aux morts pour y déposer des gerbes de fleurs et tenir un discours en hommage aux défunts. Ces monuments gardent donc une grande importance commémorative "officielle" au niveau national. Cependant, toute la population, et notamment les jeunes générations, ne se réunit plus comme avant devant ces monuments pour se recueillir

          b) Notre enquête
     Nous avons voulu étudier plus précisément les ressentis de nos camarades. Nous avons donc réalisé un sondage auprès de 2 classes de 1ère du lycée Calmette (Questionnaire ici).  27 élèves ont répondu à notre questionnaire du 17/12/14 au 10/01/15.
     Ainsi, la majorité des interviewés savent ce que représentent ces monuments et pourquoi ils ont été érigés (devoir de mémoire, rendre hommage, commémoration). Mais ils ne prennent pas le temps de s'arrêter lire les noms et quand bien même ils le font, cela ne les touche guère car ils ne connaissent pas les victimes et ne partagent pas la douleur qu'a pu ressentir la nation au lendemain de ces guerres. La moitié d'entre eux a déjà assisté à une commémoration surtout à la télévision. Certains nous ont fait partager leurs ressentis (8/14) ; indifférent (2/8), solennel (1/8) ou émouvant (5/8).
     Nous nous sommes rendues compte que même si ces monuments n'ont plus la même portée pour notre génération, ils ont, tout de même, gardé leur importance nationale et laissé des traces dans les mémoires.
     A l'heure actuelle, où "le patriotisme, c'est aimer la France sans avoir besoin de mépriser ou d'ignorer les autres nations" (F.Hollande,11/11/14), les Monuments aux Morts honorant les défenseurs de la patrie face à des peuples européens ennemis d'hier mais alliés d'aujourd'hui semblent en décalage avec les aspirations de la nouvelle génération.

          c) Un Monument aux Morts pour les générations futures ?
     L'inauguration du premier Monument aux Morts international a eu lieu le 11 novembre 2014, dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre. "L'anneau de la mémoire" est situé près de Notre-Dame de Lorette à deux pas du plus grand cimetière militaire français. L'anneau symbolise l'union et la fraternitéA l'intérieur, sont gravés les noms et prénoms des 579 606 soldats morts sur le front du Nord-Pas-de-Calais, représentant 40 nationalités différentes. 


Anneau de la mémoire (intérieur)
Anneau de la mémoire (vue d'ensemble)


 
    Les autorités françaises et allemandes ont voulu donner lors de cette journée une grande place aux jeunes générations. Des lycéens ont lu des témoignages de certains de ces soldats morts. La ministre allemande de la défense partage son émotion : "Impressionnant de voir là ces jeunes gens de tous les pays qui étaient des ennemis. Et aujourd'hui ce sont des amis (...) qui nous disent ces mots là ; c'est ça le futur de l'Europe.". Le discours du président François Hollande nous interpelle : "Nous devons nous souvenir de l'engrenage infernal de l'été 1914 et où il a conduit l'humanité. La mémoire n'est pas faite pour le passé, elle est faite pour le présent et pour l'avenir."

     Les Monuments aux Morts ont certes gardé leur valeur de vecteurs sociaux, qui permettent à la nation toute entière de se réunir le jour des armistices (11 novembre et 8 mai) pour honorer la mémoire des soldats français tombés lors des guerres du XXème Siècle. Ils ont néanmoins perdu, pour les générations actuelles, leur signification première car la douleur des pertes et l'horreur de la guerre ne sont plus aussi vifs dans les esprits.
       En ce début de XXIème Siècle, où l'amitié entre les peuples est érigée en valeur universelle, doit-on s'étonner si les Monuments aux Morts de 14-18 à la gloire des tueries passées n'ont pas d'écho chez les jeunes générations ? 

Juliette Dailly et Aminata Reichenauer

Sources:
- http://patrimoinedargoat.free.fr/paysguingampais/html/monum.html#
- http://www.defense.gouv.fr/site-memoire-et-patrimoine/memoire/sepultures-et-monuments-aux-morts/les-monuments-aux-morts
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Monument_aux_morts
- http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/09/22/les-monuments-aux-morts-puissant-outil-memoriel-apres-la-grande-guerre_4492159_3232.html





Affiche :

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